Témoignage d’une guerrière ordinaire. Une histoire vraie. Une histoire de femme. Une histoire de vie.
Mai 2010. J’ai 21 ans, l’insouciance vissée au cœur et le sourire aux lèvres quand je me rends à mon rendez-vous annuel chez la gynéco. Une formalité. Un frottis, quelques minutes d’auscultation, une poignée de banalités échangées et me voilà repartie, légère, pensant déjà au soleil, aux copines, à la vie.
J’étais loin d’imaginer que ce simple rendez-vous allait bouleverser mon existence.
Deux semaines plus tard, une enveloppe arrive. Je l’ouvre sans inquiétude, mais mes yeux s’arrêtent sur des mots qui claquent comme une gifle :
« Dysplasie. Lésions. Haut grade. Tumeur. »
Pardon ? Qu’est-ce que c’est que ça ? On dirait une langue étrangère.
Je décroche aussitôt mon téléphone. Ma gynéco de l'époque me répond, un brin gênée, m’explique qu’il y a “un petit souci”, mais que rien ne presse. Quelques séances de laser, et tout devrait rentrer dans l’ordre. Je veux la croire. Je m’y accroche.
Premier rendez-vous à l’hôpital. Nouveau gynéco, celui qui fera les laser. Un homme cette fois. Mon ventre se noue, mes joues rosissent. Sérieusement ? Un homme pour… ça ? Je cherche mentalement un trou de souris pour m’y cacher. Mais je respire, je serre les dents. Après tout, c’est son métier. Et moi, je ne suis qu’une patiente parmi d’autres.
Il m’accueille avec bienveillance. L’intervention se passe sans douleur. Il prend le temps de m’expliquer : le papillomavirus, cette MST que tant de femmes contractent sans le savoir, se transmet parfois dès le premier rapport. La plupart du temps, le corps l’élimine seul… mais parfois, il s’installe. Il mutile. Il ronge.
J’écoute, abasourdie. Une MST ? J’ai un seul partenaire, fidèle depuis des années. Et pourtant, me voilà là. On me rassure vaguement, on m’évoque des hypothèses, des toilettes publiques, des mystères… Je veux y croire. L’amour rend parfois naïve, et l’ignorance protège un temps.
Six mois d’attente avant de revoir ma gynéco. Mais mon intuition me travaille. Quelque chose ne va pas. Deux mois plus tard, je reprends rendez-vous. Nouveau frottis. Et nouveau coup de massue : la tumeur est toujours là. La gynéco réalise, trop tard, que le traitement n’était pas suffisant.
Alors je change de cap. Retour à l’hôpital. Le gynéco me prend au sérieux. Noël approche, mais à moi, on offre biopsies et colposcopies en guise de fêtes. Pourtant, je garde le sourire. Parce que c’est dans ma nature. Parce que c’est tout ce qu’il me reste.
Janvier. Le verdict tombe. Le laser n’a pas suffi. La tumeur s’est enracinée, a grossi. Il faut intervenir.
Conisation immédiate.
Je ne bronche pas. J’encaisse. Je suis forte. Enfin… je crois. Mais une question me hante : est-ce que je pourrai un jour donner la vie ?
Il me rassure. La technique est précise. Elle respecte ce que j’ai de plus précieux. Je souffle. Je me prépare.
Avril. Me voilà à l’hôpital. Chambre froide, couloir glacé, bloc stérile. Trois médecins face à moi, les pieds en l’air. Je ferme les yeux. Puis c'est le trou noir.
Le réveil est brumeux, douloureux. Mes parents sont là. Lui aussi, ce compagnon responsable, sans chaleur, dont l’absence de soutien crie plus fort que sa présence. Mais une amie qui faisait son stage à l'hôpital entre, et tout s’illumine. Sa tendresse me ramène à l’essentiel : la vie.
La conisation s’est bien passée. Une semaine pour se remettre, entourée d’amour, de fleurs, de chocolat, et de cette force qui ne me quitte jamais vraiment.
Je quitte l'homme responsable. Les années passent. Je reste vigilante. Frottis, tests, surveillance. Et puis, parfois, des rechutes. Lasers. Encore. Toujours.
Puis une nouvelle alerte. Plus sérieuse. Ma gynéco me propose une seconde conisation. Mais cette fois, elle m’offre une autre voie, celle de l’intuition maternelle. “Si tu étais ma fille,” me dit-elle, “je tenterais encore le laser.” Je choisis de préserver mon col. Je signe une décharge. On tente. Et… miracle, ça fonctionne.
Entre-temps, j’ai donné naissance à deux enfants. Deux miracles contre les pronostics. Là où on me prédisait des prématurés, j’ai dû déclencher l’accouchement. Alors oui j’ai été alitée. J’ai souffert. Mais j’ai appris la patience. J’ai appris la puissance du corps féminin pour au final vivre un rêve.
2018. Encore un frottis douteux. Une colposcopie floue. Cette fois, on m’oriente vers une hystéroscopie, une exploration de l’utérus sous anesthésie, le gynéco entre dans l'utérus, prélève un morceau pour analyse. L'intervention ne le dérange pas, mais l'anesthésie oui ! Je suis maman, j’ai un enfant à déposer à l’école, un bébé à câliner. Je veux vivre ma vie, pas la suspendre. Ok je prends soin de ma santé, mais ce sera sous mes conditions au possible.
Le gynéco, surpris, m’écoute. C'est un gynéco à l'ancienne, il me comprend et il m’explique les douleurs et les risques d'une intervention sans anesthésie. Puis enfin il m’offre une alternative : faire l’examen à vif. Je n’hésite pas. Je fonce. Je dis oui.
Le jour J. Mon grand est à l’école, mon bébé chez sa grand-mère. Moi, seule, déterminée, je file à l’hôpital comme si j’allais faire les courses. Sur le chemin, le stress monte un peu. Mais au fond, je sais. Je suis prête.
Lorsqu'on m'appelle on m'accueille au bloc, je vois sans voir je baisse la tête pour ne pas regarder les patients déjà présents. Le personnel s'excuse de ne pas avoir de lieu dédié pour que je me prépare car en temps normal les patients sont endormis, je me déshabille donc dans des toilettes. Je souris de l’absurdité du moment. J'imortalise d'ailleurs cet instant par une photo. Puis, on vient me chercher et me voila sur la table d’opération, je respire. Enfin non. Je bloque ma respiration. Mon armure. Mon bouclier. Je serre les dents. Je tiens. Les infirmières présentent (des amours) me disent de respirer profondément mais chez moi ça marche pas comme ça je leur souris en guise de remerciement et j'écoute mon corps, juste lui et son besoin de rester vaillant à cet instant.
Le gynéco ne voit rien d’inquiétant. Le soulagement s'installe, il prélève malgré tout un morceau... je vous laisse imaginer le ressentis. Puis je reprends mes esprits et je me relève. Je les remercie, et je remercie chaleureusement ce gynéco qui m'a soutenu dans ma démarche de ne pas avoir d'anesthésie. Puis je retourne m'habiller et je repars.
La route du retour est longue, les contractions se réveillent, je ressens toutes les aspérités de la route qui viennent secouer mon corps... Et quelques minutes plus tard, mes enfants sont dans mes bras.
Une quinzaine de jours plus tard les résultats arrivent : tout est normal.
Je continue les contrôles. Rien d’anormal depuis. Et aujourd’hui, je suis là, pour vous dire…
Prenez soin de vous. Vraiment.
Ne laissez jamais la peur décider pour vous. Informez-vous. Demandez. Discutez. Insistez. Vous avez le droit de comprendre. Vous avez le droit de choisir.
Faites vos frottis. Parlez du papillomavirus. Prévenez vos filles. Éduquez vos fils.
L’amour, la fidélité, ne sont pas des boucliers contre les virus. Mais la prévention, si.
Quant à vous, Messieurs… sans jugement. Mais protégez-vous. Protégez-nous.
Je garde ce petit mot de la fin pour dire : MERCI.
Merci à mes parents, piliers de chaque instant.
Merci à mes ami(e)s, même si certains ne font plus partis de mon chemin je n'oublierai jamais leur soutien.
Merci aux filles de l’asso, à vos messages, à vos bras tendus, à vos silences remplis de présence.
Merci de m’avoir permis de traverser ces tempêtes sans jamais me faire sentir faible.
Merci de m’avoir laissé vivre ceci à ma manière, d'avoir accepté mes silences, de ne pas m'en avoir voulu de vous avoir prévenu la veille quand je me suis faite opérée... je ne voulais pas que ce virus me définisse, il fait juste partie de ma vie mais il n'est pas ma vie, jai toujours agit afin qu'il en soit ainsi, alors merci de m'avoir respectée.
Prenez soin de vous, vous êtes précieuses !
Ajouter un commentaire